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Au Guatemala, les radios communautaires donnent une voix aux peuples autochtones

Malgré l’opposition du gouvernement, les communautés autochtones du Guatemala trouvent une voix grâce aux stations de radio.
“Les radios comunitarias parlent dans la langue de la population”, précise Roelio Fuentes, fondateur de Radio San Jose. Si une radio comunitaria est dans une région où une langue Maya est parlée, elle fera la majorité de ses programmes dans cette langue. Ce ne sont pas des radios multinationales (corporatistes), ni des radios de la capitale, ni celles qui viennent profiter de la culture de notre peuple. Ces radios comunitarias expriment de façon fidèle les sentiments et croyances de la communauté, dans sa propre langue.”

Au-dessus d’un bâtiment bleu pastel, près d’une église décrépie dans un village de montagne, des antennes entremêlées se dressent vers le ciel.
Sous ces antennes se trouve une porte renforcée par du métal. Derrière, dans une pièce ne contenant qu’une table à la peinture écaillée et un amas de nœuds de câbles, est assis Osmar Miranda, l’animateur radio. Alors qu’il manipule les boutons noirs d’une table de mixage, il retire son casque et explique que Radio San José (une des « radios pirates » du pays d’Amérique centrale) offre à la population Maya pauvre une des rares occasions de faire entendre sa voix sur les ondes.

« Ici au Guatemala », commence Miranda, « le rôle des radios comunitarias (stations de radios communautaires) a été de donner un espace aux communautés les plus pauvres, afin que les gens puissent s’exprimer, vous voyez : ‘Je veux parler, je veux dire ce que je ressens.’ On ne peut pas faire ça sur une radio commerciale. »

Alors qu’il parle, derrière lui, un homme explique à l’antenne que son séjour en prison l’a rapproché de Dieu, lui ouvrant les yeux sur la réalité de l’injustice sociale. Les programmes de la journée comprennent des sujets comme la conscience politique, l’alcoolisme, l’addiction et les crises écologiques, entrecoupées périodiquement par du Marimba, la musique nationale du Guatemala.

Radio San José fait partie de Asociación Mujb’ab’l Yol (« Mujb’ab’l Yol » signifie « rencontre des idées » dans la langue Mam Maya), un réseau de radios communautaires s’étendant sur six départements ou états dans le sud-ouest montagneux du Guatemala où les autochtones Maya sont majoritaires. Bien qu’ils et elles représentent plus de 40 pourcents de la population de ce pays d’Amérique centrale, les peuples autochtones du Guatemala sont rarement représentés dans les médias.

Les radios communautaires (des stations de radios locales, bénévoles et en langue native) ont cherché à combler ce vide médiatique, afin de représenter et défendre la plus grande minorité du Guatemala, si souvent réduite au silence. Le gouvernement refuse de les légaliser arguant qu’elles émettent sur des « fréquences inutilisées. » Les critiques y voient un prétexte légal, servant a les punir pour leur véritable crime caché : avoir créé une plateforme pour les voix des personnes autochtones, la bête noire du gouvernement guatémaltèque.

Les peuples autochtones guatémaltèques subissent des persécutions depuis longtemps. Ils ont été asservis sur les plantations de café au début du 20ème siècle. Ils ont subi un génocide de la part des militaires dans les années 80. Aujourd’hui, ils sont expulsés de leurs terres et les assassinats sont de plus en plus nombreux lorsqu’ils résistent à l’intrusion de corporations multinationales sur leurs territoires.

Les radios comunitarias comme celles qui sont membres de Asociación Mujb’ab’l Yol ont une programmation engagée socialement, présentée à la fois en espagnol et en langues autochtones, avec des émissions cherchant à éveiller les consciences à propos des problématiques politiques des communautés autochtones marginalisées. En pratiquant des prix de créneaux horaires, ou de sections non-utilisées du programme quotidien, bien moins élevés que les stations de radios commerciales, ces radios comunitarias encouragent les organisations communautaires à faire entendre leurs voix sur les ondes, stimulant les débats et discussions politiques à un niveau local.
Tout cela fait partie d’une mission ambitieuse : reconstruire la démocratie moribonde du Guatemala depuis la base. « Reconstruire le tissu social qui a été déchiré durant la guerre civile », comme le dit Alberto Tino Recinos, un militant, ex-membre de la guérilla et fondateur de Mujb’ab’l Yol.
OLSON Jared, Nacla
Illustration : Enregistrement d’une émission dans une radio communautaire @Jeso Carneiro (CC BY-NC 2.0)

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