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Les aires protégées, instrument d’un « colonialisme vert » en Afrique ?

Dans un contexte d’accroissement démographique sans précédent sur le continent africain, les moyens de préserver la biodiversité sont au cœur de vifs débats, notamment au sein de la Convention pour la diversité biologique, dont la proposition phare vise à classer 30 % des territoires nationaux en aires protégées, dont 10 % en conservation stricte.

En 2020, dans son essai L’Invention du colonialisme vert, Guillaume Blanc s’en prenait à l’UICN, au WWF et à l’Unesco impliqués dans les parcs naturels en Afrique.
Il accuse les gestionnaires de parcs d’exclure et de violenter les populations locales, de créer de la misère pour satisfaire un fantasme de nature vierge au seul profit de touristes occidentaux.

Les pressions sur l’environnement sont croissantes du fait de l’augmentation des populations en zones rurales qui accroît la concurrence pour le foncier, des opportunités offertes par la demande agricole mondiale (cacao ou palmier à huile), de la fabrication du charbon de bois, de la demande urbaine en viande de brousse, de la ruée de mineurs artisanaux sur les pierres précieuses ; ou du décalage entre les maigres revenus paysans et la valeur commerciale de l’ivoire ou du bois de rose.
En outre, les communautés locales sont parfois enrôlées dans les réseaux de braconnage. En Afrique, si comme partout ailleurs la demande internationale pousse à la surexploitation de ressources, la majorité des activités portant atteinte à la biodiversité est le fait de petits producteurs, qui produisent pour les marchés locaux tout autant que pour les marchés étrangers.

La création de nouvelles aires protégées reste du domaine des gouvernements africains, même si certains instruments qualifiés d’« échange dette contre nature », par lesquels un pays créditeur réduit la dette d’un pays débiteur, influencent parfois la décision de création.

Une gestion de plus en plus « déléguée » à des opérateurs privés

Compte tenu de ces difficultés financières, certains États optent pour une « gestion déléguée » des parcs à des ONG spécialisées. Face à la montée en puissance de réseaux de braconnage parfois lourdement armés, on observe parallèlement une tendance à la « militarisation » de la conservation dans certains parcs. Des actes de violence sur les populations de la part d’éco-gardes ont été rapportés en Afrique.

En outre, difficile de ne pas évoquer les expériences de conservation basée sur les communautés : Conservancies en Namibie, programme Campfire au Zimbabwe, Village Land Forest Reserves en Tanzanie, et certaines forêts communautaires sans exploitation du bois d’œuvre. Ces espaces à gestion communautaire ou participative peuvent être vus comme des alternatives ou des compléments aux aires protégées à protection stricte. Néanmoins, leurs résultats en matière de conservation sont parfois jugés moins solides et il y a, au moins en Afrique australe, une tendance à la recentralisation de la gestion sous l’influence d’ONG internationales.

Le déplacement de populations pose un problème auquel il faut se garder d’apporter une réponse tranchée a priori. Dans tous les pays du monde, les expropriations sont considérées légitimes pour réaliser des infrastructures (routes, barrages…), dès lors que des indemnisations financières correctes sont versées aux ayants droit.

Mais ce statut d’ayant droit est source de contentieux au sein des aires protégées où l’on trouve des migrants fuyant l’insécurité ou attirés par des terres et des ressources perçues comme disponibles. Les détenteurs de droits fonciers coutumiers peuvent avoir accepté ou subi l’installation de ces familles. Les politiques des gestionnaires d’aires protégées vis-à-vis des migrants vont varier, allant d’un « cantonnement » toléré à des actions d’éviction pure et simple…

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